Chroniques

par hervé könig

La sonnambula | La somnambule
opéra de Vincenzo Bellini

Buxton International Festival / Opera House
- 12 juillet 2023
Délicieuse SONNAMBULA de Bellini au Buxton International Festival 2023
© genevieve girling

Après Garsington, West Horsley Place et Londres, la quatrième destination de notre parcours lyrique estival au Royaume Unis est plus nordique, puisqu’elle nous mène jusqu’au Derbyshire, comté situé au cœur de la grande île et faisant partie des East Midlands. La dernière fois que nous avons vu un opéra au Buxton International Festival, il s’agissait d’Eugène Onéguine. [lire notre chronique du 14 juillet 2019]. Ce soir, nous retrouvons un classique du romantisme italien, La sonnambula, joué pour la première fois au Carcano de Milan, le 6 mars 1831 – bien connu des amateurs de bel canto, l’ouvrage est moins programmé qu’on le pense, comme en atteste le fait que nos colonnes n’en ont parlé que cinq fois en vingt ans [lire nos chroniques des productions de Federico Tiezzi, Marco Arturo Marelli, Bepi Morassi et Francesca Lattuada, ainsi que celle de la version de concert du 11 avril 2016].

En juin 2018, le chef d’orchestre Adrian Kelly était nommé directeur artistique du Buxton International Festival où il succédait à Stephen Barlow. On peut dire que le musicien est aguerri à tous les répertoires, puisqu’il a dirigé des opéras de Mozart, Rossini, Donizetti, Verdi, Puccini, Massenet, Offenbach, Tchaïkovski et Humperdinck, pour les plus anciens, et de Křenek, Nono, Rhim et Wuorinen quant aux plus récents, dans plusieurs maisons européennes. À la tête du Northern Chamber Orchestra, il donne une version inspirée de l’œuvre de Vincenzo Bellini, bondissant dans les moment les plus rythmés et ménageant adroitement la ligne des chanteurs sur des cantabile plus tendres. Un soin certain est apporté à des demi-teintes chatoyantes que bien des chefs ne prennent pas toujours la peine de révéler. La subtilité de l’interprétation ne fait pas l’ombre d’un doute.

Avec lui, une fine équipe de chanteurs, plutôt dynamique.
À commencer par le chœur du festival, préparé par Paul Plummer, dont la prestation convient. Côté solistes, les défis du genre (bel canto) ne sont pas laissés pour compte. Le soprano colorature de Ziyi Dai est remarquablement maîtrisé dans le rôle d’Amina, y compris dans les passages les plus acrobatiques. La pureté de la voix est une bénédiction. C’est un régal de l’écouter vocaliser, tant elle maîtrise son chant. Spécialisé dans les emplois de ténor spinto, Nico Darmanin affirme une grande forme qu’il met au service d’Elvino. Son incarnation ne manque pas de panache, avec un aigu claironnant comme il faut [lire nos chroniques de la Trilogie Da Ponte et d’Il barbiere di Siviglia]. Avec une basse vaste et facile, Simon Shibambu se joue de Rodolfo auquel il offre des nuances délicates [lire nos chroniques d’Otello et de Tosca à Aix-en-Provence et à Montpellier]. Le talent d’Ellie Neate est comme un poisson dans l’eau dans la partie de Lisa, délicieusement volatile. Teresa, le mère adoptive d’Amina, profite des atouts d’Ann Taylor, bien pourvus. Enfin, le jeune Jacob Bettinelli se charge avec facilité d’Alessio.

La mise en scène d’Harry Fehr ne s’encombre pas du moulin et du village suisse. Loin de la littéralité du livret, elle transpose l’intrigue dans les années soixante. S’il surprend d’abord, ce choix s’avère ensuite très justifié, et il présente le grand avantage de renouveler complètement l’approche de l’œuvre. Devant les spectateurs se déploie une cantine, dans une fabrique locale. L’inscription de la proposition dans un limon social si précis pourrait faire polémique, si le public du jour était un peu plus méditerranéen. Et ce serait dommage, parce que ce prédicat de départ occasionne au fil du spectacle une inventivité précieuse dont il aurait été dommage de se priver. Dans les costumes d’époque de Zahra Mansouri – sixties, veux-je dire – et le décor efficace de Nicky Shaw, la vie de jeune fille possède bien des attraits, dans cette direction d’acteurs formidablement enjouée. Un jeu complice et ravageur unit tous les protagonistes. On ne s’en lasse pas.

HK