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Chroniques
La gazzetta | La gazette
dramma giocoso de Gioachino Rossini
Créée pour l’édition 2015 du Rossini Opera Festival (ROF), la production conçue par Marco Carniti pour La gazzetta est reprise sept ans plus tard avec une distribution complètement renouvelée. Ainsi Carlo Lepore succède-t-il à Nicola Alaimo dans le rôle de Don Pomponio, le marchand napolitain assez fier de sa personne qui, pour marier sa fille Lisetta à un bon parti, passe une annonce dans le journal local – lagazzetta qui donne le titre à l’opéra. Vraie basse profonde plus grave qu’Alaimo, Lepore est comme un poisson dans l’eau, toujours drôle mais sans en faire trop, souvent truculent dans cet emploi caricatural chanté en napolitain… ce qui nécessite parfois un coup d’œil rapide aux surtitres – en napolitain et anglais ! –, même pour certains spectateurs italiens. Flanqué de son domestique Tommasino, rôle muet joué avec humour et une énergie débordante par Ernesto Lama (le seul rescapé de la série de 2015), les deux sont souvent impayables. Carlo Lepore recueille même des applaudissements nourris après un récitatif sec, d’une exubérance maîtrisée [lire nos chroniques de La grotta di Trofonio à Lausanne, Ariodante, L’elisir d’amore, La serva padrona, Il barbiere di Siviglia à Nancy puis à Strasbourg, Torvaldo e Dorliska, L’Italiana in Algeri et La Cenerentola].
Sa fille Lisetta est attribuée à Maria Grazia Schiavo, au timbre de soubrette devenu aujourd’hui peu séduisant, même si sa technique de vocalisation est bien huilée dans les passages les plus fleuris [lire nos chroniques de Stabat Mater, Partenope, Erminia, Tancredi, Polidoro e Pastore, La grotta di Trofonio à Naples, La traviata et Don Giovanni]. Son amoureux Filippo, le baryton Giorgio Caoduro, alterne entre une voix solidement timbrée et vaillamment projetée et quelques moments plus fragiles, ainsi que de curieux passages d’agilité déroulés à vitesse supersonique, mais à volume confidentiel [lire nos chroniques des Nozze di Figaro, de L’arbore di Diana, Falstaff et Il borgomastro di Saardam].
L’autre couple, qui pourra se retrouver à la conclusion de l’ouvrage après moult quiproquos, rassemble Martiniana Antonie, au joli timbre de mezzo, musicale et d’une puissance modérée en Doralice mais suffisante pour le Teatro Rossini, et Pietro Adaíni, ténor de style élégant mais aux sonorités nasales et en difficulté aux deux extrémités de la tessiture d’Alberto. L’autre mezzo, Andrea Niño, chante joliment l’air de Madame La Rose en début de second acte, Sempre in amore son io così, tandis qu’Alejandro Baliñas et Pablo Gálvez complètent l’affiche dans les rôles plus secondaires d’Anselmo et Monsù Traversen. Un mot aussi sur les artistes du Coro del Teatro Della Fortuna qui remplissent leur office avec bonne humeur, mais aussi de brefs relâchements d’homogénéité chez les ténors.
En passant de l’orchestre du Teatro Comunale de Bologne il y a sept ans à l’Orchestra Sinfonica G. Rossini pour la présente édition, on perd sans doute en qualité intrinsèque, mais les musiciens se montrent très appliqués sous la direction de Carlo Rizzi, chef rossinien régulièrement invité au ROF depuis 1992 [lire nos chroniques de La rondine, La fanciulla del West, Cavalleria rusticana, Gala du ROF et Cendrillon]. Dès l’Ouverture, celle-ci bien connue puisqu’elle sera réutilisée telle quelle dans La Cenerentola l’année suivante, la musique prend vie et s’anime jusqu’aux petits tourbillons de folie produits par certains ensembles. L’histoire de la partition de La gazzetta connut un épisode relativement récent : le quintette du premier acte (Doralice, Filippo, Pomponio, Lisetta et Alberto) était considéré comme perdu et on se souvient d’ailleurs des représentations à Pesaro en 2001 puis 2005 où le metteur en scène Dario Fo faisait dire le texte aux protagonistes pendant que le pianoforte jouait La Danza. Retrouvé en 2011 au Conservatoire de Palerme, on apprécie d’autant plus ce long quintette… dont le compositeur saura à nouveau se souvenir !
La mise en scène de Marco Carniti [lire notre chronique d’El sueño de una noche verano], dans les décors le plus souvent en noir, blanc et gris de Manuela Gasperoni, situe l’action à Paris en démarrant par un défilé de mode sur un catwalk cerné de photographes. L’hôtel Aquila du livret est figuré par des enseignes lumineuses, les lettres se réduisant à hot pendant un duo entre amants. Les costumes de Maria Filippi puisent dans l‘exotisme, d’abord asiatique au premier acte à l’arrivée du riche Quaker (Filippo déguisé), puis turc pour la fête masquée de l’Acte II, la musique empruntant alors beaucoup au Turco in Italia créé deux ans plus tôt à La Scala.
IF