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Chroniques
La damnation de Faust
légende dramatique Op.24 d’Hector Berlioz
Depuis l'arrivée de Pascal Rophé à la tête de l'Orchestre national des Pays de Loire, en 2015, le rituel s’est inscrit dans la programmation d'Angers Nantes Opéra (ANO) : afin de mettre en avant le nouveau directeur musical – très attendu, pour impulser une nouvelle dynamique à la formation –, Jean-Paul Davois place la rentrée sous le signe d'un partenariat avec la saison de la phalange pour un concert lyrique. Cette année prend le contrepied bienvenu d'une réserve hexagonale dont pâtit encore Berlioz en son pays.
« Légende dramatique » inspirée par Faust de Goethe, diffusé en France grâce à la traduction de Nerval, La damnation de Faust constitue souvent un écueil pour la scène, qui sert parfois d'alibi. La partition ne manque pas d'être exigeante. Les pupitres angevins et nantais en apprivoisent les équilibres au fil de la première partie. On n'évite pas une relative raideur, perceptible dans l'émission un peu massive des cuivres, tandis que les cordes attendent la seconde partie pour s'affranchir d'un certain monolithisme rémanent. Sous l'impulsion du chef français, la palette expressive libère alors ses ressources de souplesse et de couleurs, détaillant l'invention orchestrale et l'originalité mélodique auxquelles se reconnaît l'art de Berlioz.
Les deux airs de Marguerite en livrent un témoignage éloquent. Si elle ne bénéficie pas encore d'une reconnaissance à sa mesure, Catherine Hunold peut s'appuyer sur la fidélité d’ANO et de l’Opéra de Saint-Étienne. Après les ressacs ténébreux d'Ortrud la saison passée [lire nos chroniques du 9 juin 2017 et du 20 septembre 2016], elle se plonge dans la transparence lyrique de l'héroïne berliozienne que magnifie sa remarquable intelligence du texte, jusqu'à ciseler les inflexions aux confins de la délicatesse.
Avoir engagé Michael Spyres tenait presque de la gageure, au regard des sollicitations reçues, le ténor étatsunien étant devenu l'un des meilleurs représentants actuels d'un style que d'aucuns associeraient à la tradition française [lire notre critique du livre-disque Le Pré aux clercs, ainsi que nos chroniques du 17 avril et du 2 février 2017, du 31 août 2014 et du 28 juin 2012]. Au delà d'un grasseyement non dénué d'une élégance un rien surannée, son Faust affirme endurance et finesse qui trouvent un climax dans une exceptionnelle Invocation à la Nature où le registre mixte ne perd jamais de son intégrité, et ce – chose rare ! – sans recourir à aucun artifice. Le soliste défie les difficultés de la page, jusque dans la tension des aigus à la fin d'une péroraison qui ne sacrifie jamais la profondeur et la vérité du sentiment à la démonstration exhibitionniste.
En Méphistophélès, Laurent Alvaro affirme une forme et une solidité que d'autres répertoires avaient accidentellement remises en question, tandis que Bertrand Bontoux assume la chanson de Brander. On saluera enfin l'honnêteté du Chœur maison, préparé par Xavier Ribes et renforcé par les effectifs dijonnais, ainsi que le diaphane final de la Maîtrise des Pays de la Loire.
GC