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Chroniques
L’appel de la forêt
spectacle de l’ensemble TaCTuS
La réussite d’un spectacle, tout particulièrement s’il est destiné aux petits et aux grands, tient autant à la créativité des artistes qu’à la véracité de ce qu’ils montrent. Pour transporter dans la vie sauvage du Yukon, près de l’Alaska, le public familial réuni dans la chaleur tropicale de ce dimanche sous le grand chapiteau noir et blanc d’Ambronay, le joli croquis initial d’Antoine Rocher, projeté en surplomb de percussions frottées suggérant un reniflement canin démontre d’emblée le savoir-faire de l’ensemble lyonnais TaCTuS à raconter comment le chien Buck apprit à répondre à l’appel de la forêt, selon le roman bien connu de Jack London (1876-1916).
Comptant parmi plusieurs générations de jeunes marqués par la lecture de ces aventures nordiques, le percussionniste Quentin Dubois adapte le texte, le met en scène et en musique dans un spectacle pluridisciplinaire, entre théâtre musical et dessin animé vivant, créé à l’automne 2016 au Théâtre des Clochards Célestes, sur les pentes de la Croix-Rousse. La création des images fut confiée à Marion Cluzel, puis à Antoine Rocher. La rapidité des illustrations, impressionnantes surtout pour dire le choc des affronts dans la vie animale, dynamise volontiers le texte qui soigne plutôt l’étonnante personnification de Buck, témoin puis acteur de son destin.
À la batterie, aux xylophones et autres cloche, baguettes, crécelle et sac de sable, Quentin Dubois, Raphaël Aggery et Ying-Yu Chang signent de belles virgules musicales, ainsi que deux généreux génériques. Ils donnent rythme, attractivité et plaisir acoustique au déroulement du récit en neuf brefs chapitres. La musique prend quelquefois du volume, en plein accord avec l’action décrite sur plusieurs niveaux (le grand écran et l’espace scénique) par une narration adroite qui demeure claire et avenante grâce aux éclairages judicieux de Jean-Yves Pillone.
L’histoire finit bien pour Buck, heureux de pourchasser paisiblement depuis quatre jours son élan et même d’être élevé au rang de légende indienne. Quant à Jack London, ses plaies brûlent encore du sel du Pacifique, les marées allant et venant à ses pieds dans la baie d’Oakland. Seul avec ses pensées, statue inflexible encore debout mais toujours plus nivelée par les injustices qui le frappent, comme autant de vagues océanes, il vit toujours en chantre solitaire de la nature sauvage, bien que sorti de notre monde de moins en moins bucolique par une voie personnelle difficile à comprendre.
« En 1903, Jack London triomphe avec L’Appel de la forêt. Le voilà riche, célèbre. Puis, de livre en livre, de dérive en dérive, il taille sa route, fait de sa vie une splendeur détruite et une insulte permanente au pesant mensonge des riches – et cela jusqu’au suicide. Suicide vers lequel un alcoolisme extrême et des malheurs en série le précipitent, ainsi peut-être que cette question restée jusqu’à ce jour sans réponse : comment est-il possible de défendre un idéal humain avec des hommes ? » (Jean-Marie Dallet, préface de Quiconque nourrit un homme est son maître de Jack London, Le Sonneur, 2009).
FC