Chroniques

par bruno serrou

Léman en musique

Septembre musical / Auditorium Stravinsky, Montreux
- 27, 28 et 29 août 2010
© bertrand bolognesi

Pour sa soixante-quatrième édition, le Septembre Musical de Montreux-Vevey est, avec le Festival de Jazz de vingt ans son cadet qui se tient en juillet, le rendez-vous majeur des mélomanes séjournant sur les bords du lac Léman. Par ailleurs, avec ses 1900 places et son acoustique flatteuse, l’Auditorium Stravinski est la plus grande salle de concert de Suisse romande - loin des grandes agglomérations, elle est sous-employée, malgré les deux festivals organisés par la charmante cité lacustre. Septembre Musical est en pleine renaissance, grâce à son directeur, Tobias Richter, également directeur de l’Opéra de Genève, qui l’anime depuis cinq ans et le sortit d’une crise où l’avait précipité une programmation inadaptée au lieu comme au public : centrée sur le répertoire baroque, la politique du prédécesseur ne rencontrait ici aucun lieu adapté à ce type de musique, et le public, ajoute Tobias Richter, n’était pas prêt à accepter cette exclusivité. Aujourd’hui, place aux concerts symphoniques, avec la résidence du Royal Philharmonic de Londres pour les éditions de 2010 à 2013, mais aussi l’Orchestre de la Suisse romande (OSR), la grande phalange locale, et des invités privilégiés, particulièrement l’Orchestre National de France.

Le concert d'ouverture de l’édition 2010 est confié au Royal Philharmonic Orchestra (RPO) dirigé par le Vaudois Charles Dutoit autour d’un programme russe. L’ouverture de Rouslan et Lioudmila de Glinka est pesante, la Symphonie n°5 de Chostakovitch trop relâchée, le moment le plus significatif étant le Largo, pathétique mais sans surcharge, voire détaché, tandis que de l’Allegro final le chef ne parvient pas à dépasser les contours triviaux. Lutte fratricide entre un orchestre et un piano virtuoses, le Concerto n°3 de Prokofiev donne l'occasion à la gazelle chinoise de vingt-trois ans Yuja Wang, geste magnétique quoique sans fioritures, d'imposer la grâce aérienne de son toucher, mais plus de profondeur eût été bienvenue.

Autre Russe, Grigori Sokolov s’avère, comme toujours, d'une extrême intériorité dans son récital. Sa Partita n°2 de Johann Sebastian Bach est mue par un souffle épique, ses Fantaisies Op.116 de Brahms se montre toutes de mystère, sa Sonate n°2 de Schumann héroïque. Cinq bis, dont quatre Préludes de Chopin d’une impressionnante intensité et un Prélude de Scriabine époustouflant, tétanisent un public étonnamment épars. Mais, chez cet artiste rond et massif à la chevelure de moine qui salue à la va-vite et qui jamais ne laisse percer le moindre rictus, le plus saisissant est la densité du son, l'exceptionnelle palette du nuancier, qui semble infini.

Le deuxième concert du Royal Philharmonic Orchestra est dirigé par Andrew Davis. Chef précis et fin, l’artiste associé au Festival de Besançon 2010-2011 souligne l'onirisme de chaque œuvre, des séduisantes Impressions norvégiennes de Stravinsky, un Concerto pour violon de Sibelius brûlant et précis, une Symphonie n°2 de Schumann d'une fraîcheur captivante, et jusqu'au nostalgique mouvement de la Sérénade pour cordes d'Elgar donné en bis. Le violoniste canadien Corey Cerovsek livre du concerto finlandais une interprétation poétique et vigoureuse, à l’instar de ses deux bis d’une belle musicalité (extraits de la Sonate d'Ysaye et d’une Partita de Bach).

BS