Chroniques

par bertrand bolognesi

I quattro rusteghi | Les rustres
opéra d’Ermanno Wolf-Ferrari

Théâtre du Capitole, Toulouse
- 29 février 2008
de Wolf-Ferrari, Les rustres, I quatrro rusteghi, à Toulouse
© patrice nin

Oscillant entre sa Venise natale et son Munich d’adoption, entre la lagune maternelle et l’Allemagne du père, Ermanno Wolf-Ferrari défie par sa musique la manie des classifications ; on le constatait avec sa Vedova scaltra de 1931[lire notre chronique du 25 avril 2004], puis avec son Segreto di Susanna de 1909 [lire notre chronique du 2 mars 2007]. Ce soir, I Quattro Rusteghi nous le confirme : l’hybridité est la marque de fabrique du compositeur. À une relative réticence aux innovations de son temps, il associe une connaissance des répertoires anciens, parfois en génial recuiteur, et un goût pour le théâtre d’autrefois. Il n’est qu’à regarder où puise son inspiration : Shakespeare, Dante et, à quatre reprises, Goldoni. En se souvenant que l’œuvre dudit Goldoni – dont ses Rustres de 1760 adaptés pour la scène lyrique en 1906 – tient en grande estime les comédies de Ménandre, Aristophane, Terence et Plaute, l’on comprendra d’autant mieux le rire ancestral dont s’ébroue le musicien dans ses opéras-bouffe.

Le Capitole accueille pour cinq représentations la récente production zurichoise signée Gricha Asagaroff. Avec les complicités de Luigi Perego pour les costumes et les décors, de Hans Rudolf Kunz pour la lumière et de Luigi Prezioso pour la pantomime toute de poésie qui rend fascinants les changements de dispositif d’un tableau à l’autre, le maître d’œuvre réalise une mise en scène bien huilée s’appuyant sur un métier sûr. Pourtant, de sa vision étroitement conventionnelle l’on regrettera le peu d’imagination, une vis comica qui peine à faire sourire, un ennuyeux manque de rythme.

Une distribution vocale moyennement équilibrée et pourtant efficace sert la soirée. Roberto Scandiuzzi s’avère un Lunardo sanguin dont les impressionnants moyens malmènent toutefois la justesse. Ses compères ne déméritent pas : Paolo Rumetz donne un Maurizio amusant, Carlos Chausson un Simon dont on relèvera la ligne de chant soignée et le jeu remarquablement investi en un personnage solidement campé, tandis que le Canciano de Giuseppe Scorsin bénéficie d’une belle fermeté et n’hésite pas à nuancer. Si Francesco Piccoli, plus terne, n’est guère à son aise en Riccardo, le jeune promis Filipetto trouve en Luigi Petroni un interprète honorable.

Les rôles féminins divertissent plus assurément.
À commencer par Nicole Fournié, irréprochable en camériste de la rêveuse Marina, alias Chiara Angella, offrant un chant sûr doté d’un aigu chaleureux. Daniela Mazzucato, pour accuser quelques disgrâces dans le registre médian, donne une Felice pétillante dont la vindicte superbement nuancée (dernier acte) charmera l’écoute. Quant à la Lucieta de Dileta Rizzo-Marin, on lui trouvera une certaine qualité d’aigu, souplement amené, mais un format si confidentiel qu’il passe laborieusement la fosse dans les passages les plus légèrement orchestrés. Enfin – et surtout ! –, Marta Moretto compose une Margarita étonnante, matrone portée sur la boisson dont la démesure scénique n’a d’égal que l’évidente faconde vocale.

En fosse, quoique pâlement inspiré, Daniele Callegari conduit les musiciens de l’Orchestre national du Capitole dans une lecture fiable.

BB