Recherche
Chroniques
I Capuleti e i Montecchi | Capulet et Montaigu
opéra de Vincenzo Bellini
Quittons l’Andalousie par le nord, via Zamora et Salamanque pour les Asturies. C’est ici qu’aura lieu ma dernière soirée lyrique de 2016, une soirée à Oviedo qui ne renonce pas au plus flamboyant bel canto puisqu’il s’agit d’y voir I Capuleti e i Montecchi de Bellini – oui, l’année Shakespeare ne s’achève que dans quatorze jours, et quoi de mieux que de saluer le poète anglais avec les amants éternels ?... On reprend ici la coproduction des Arênes de Vérone et de La Fenice qui, à en lire les commentaires de ces représentations sur la botte, n’avaient pas enthousiasmé nos confrères italiens.
En homme de métier, Arnaud Bernard conduit pourtant le drame avec adresse. Après le Roméo et Juliette de Gounod [lire notre chronique du 25 mars 2011], le metteur en scène quitte avec profit la lourdeur romantique française pour une tout autre légèreté musicale qui va comme un gant aux architectures qu’il aime à concocter avec la complicité d’Alessandro Camera, scénographe dont les constructions très esthétiques nous accompagnent dans les images de l’Épinal bellinien, exposées dans un impressionnant musée. Le soin de Fabio Barettinaux aux lumières révèle ce beau travail où s’agitent les costumes à l’aide desquels Carla Ricotti invente une Vérone fantasmée par Shakespeare. Délaissées par les visiteurs et les conservateurs, les figures des tableaux s’animent soudain, racontant la haine ancestrale et le coup de foudre incensé des rejetons de ces familles opposées, jusqu’à l’apothéose finale : le sacrifice de la jeunesse rassemble les ennemis par le désarroi, dans une grande fresque dramatique dont l’encadrement doré sanctifie le pouvoir, l’abandon de la hache de guerre vers le renouveau. Un coup de maître !
Le cast n’est malheureusement pas optimal. Paolo Battaglia peine à maintenir la stabilité de son Capellio ; c’est dommage, car la présence théâtrale est concluante et le timbre accrocheur [lire notre critique du CD Otello]. Sans offrir à Tebaldo la projection souhaitée, le ténor José Luis Sola nasalise son médium et coince l’aigu [lire notre chronique du 30 septembre 2005]. Par contre, le plaisir est grand à retrouver la voix généreuse de Miguel Ángel Zapater, idéale en bon Lorenzo [lire notre chronique du 30 octobre 2016]. L’adolescente éperdue bénéficie de l’art aguerri de Patrizia Ciofi : l’impact est vraiment celui du rôle, au service d’un chant exemplaire, malgré l’usure désormais indéniable de la voix, peut-être un peu surmenée par le répertoire français, ces dernières semaines [lire nos chroniques du 29 septembre et du 27 novembre 2016]. Mais c’est assurément Serena Malfi qui soulève le public ! On avait remarqué le jeune mezzo à Paris en Zerlina [lire notre chronique du 27 avril 2013] : à Oviedo, c’est un Romeo agile et solide qu’on applaudit avec empressement.
Ne manquons pas de féliciter vivement les artistes du Coro de la Ópera de Oviedo qui, au delà d’une saine prestation musicale, s’investissent avec passion dans le rendu scénique, ce qui contribue sensiblement au succès du spectacle. Au pupitre de l’Orquesta Oviedo Filarmonía, le jeune Giacomo Sagripanti confirme un début de parcours plus que prometteur : son interprétation de Bellini de fait incisive comme un opéra de Donizetti, puis soudain délicate et chambriste comme une sérénade mozartienne ou encore tendre et suave telle une illumination puccinienne avant l’heure, tout en équilibrant à la perfection la balance entre voix et fosse. Vraiment, il faudra suivre ce chef italien !
HK