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Chroniques
Großes Waldkonzert : Beethoven et Rossini
Alessandro Crudele dirige les Chœur et Orchestre Philharmonique de Cracovie
Sur les hauteurs de la petite ville de Bad Wildbad se situe le Sommerberg auquel les randonneurs accèdent à l’aide d’un funiculaire. C’est en pleine forêt du Sommerberg que le festival Rossini in Wildbad a programmé son Großes Waldkonzert, dans une vaste clairière aménagée pour les barbecues autochtones (Grillplatz). Les spectateurs sont disposés en arc de cercle autour de l’Orchestre Philharmonique de Cracovie (Orkiestra Symfoniczna Filharmonii im. Karola Szymanowskiego w Karkowie), mais à une distance d’une vingtaine de mètres, curieusement, qui ne favorise ni la proximité ni le confort d’écoute. L’acoustique est en effet réduite pour le son émis dans ce milieu totalement naturel, un cadre enchanteur bordé de hauts sapins, amenant à l’oeil un supplément de beauté et de poésie.
Rossini, en première partie, et Beethoven, en seconde, se partagent l’affiche, les œuvres retenues ayant un rapport immédiat à la nature en général et la forêt en particulier. La soirée commence avec le début de la cantate Le nozze di Teti e di Peleo, opus de circonstance composé en 1816 pour un mariage princier à la cour de Naples [lire notre chronique du 26 juillet 2018]. Il s’agit d’une allégorie du pouvoir régnant des Bourbons dans une ambiance d’Arcadie, d’abord l’introduction musicale puis le premier chœur chanté par le Chór Filharmonii im. Karola Szymanowskiego w Krakowie. Les choristes féminines terminent ensuite leurs interventions pour la soirée, puisque ce sont uniquement les hommes qui chantent la partie des chasseurs, Al bosco!... alla caccia!..., avec un effet de spatialisation très réussi. En bordure droite de clairière, deux cors sont détachés de l’orchestre pour donner des accents de chasse à courre, tandis que les choristes marchent depuis la gauche pour rejoindre l’orchestre.
L’extrait qui suit provient de La donna del lago. Il s’agit de l’air d’entrée d’Elena, la dame du lac d’après le roman de Walter Scott, rejointe ensuite par le roi Giacomo qui se présente sous le faux nom d’Uberto. Le tempo imprimé par le chef Alessandro Crudele est plutôt lent à l’entame, avant d’accélérer la pulsation pendant le duo. Le soprano Veronica Marini, entendu deux jours avant dans Elisabetta regina d’Inghilterra [lire notre chronique de l’avant-veille], impressionne à nouveau par un joli timbre qui se déploie dans ce vaste espace où ne manque que le lac écossais du livret. La chanteuse se montre parfaitement musicale et souple d’instrument, tandis que le ténor léger Pierluigi D’Aloia, membre de l’académie de chant (Akademie BelCanto) et qui effectue un remplacement au pied levé, paraît moins à l’aise avec sa tablette en main pour suivre la partition. La partie rossinienne s’achève avec l’air pour soprano Sombre forêt tiré de Guillaume Tell, interprété par Meagan Sill, également membre de l’Akademie BelCanto dirigée par l’ancien ténor Raùl Giménez. La voix est bien concentrée, les passages d’agilité ne posent pas de problème et les nuances sont forte-piano justement marquées, mais la prononciation du français reste perfectible.
Beethoven est donc au programme. Quoi de mieux que sa Pastorale (Symphonie en fa majeur Op.68 n°6) pour rester dans le ton ? L’Orchestre Philharmonique de Cracovie (Orkiestra Symfoniczna Filharmonii im. Karola Szymanowskiego w Karkowie) joue fort bien Rossini, mais dès le premier mouvement l’on a la sensation que Beethoven est encore davantage dans ses gènes. Alessandro Crudele parvient à équilibrer fort harmonieusement l’ensemble, tout en laissant s’exprimer à plein chaque pupitre et chaque soliste. Les musiciens s’écoutent les uns les autres, formant une cohésion prête à affronter l’ensemble de l’œuvre, les séquences calmes pleines de charme qui contrastent avec les passages plus vigoureux dont les coups de timbales font entendre l’orage. Une soirée mémorable en pleine nature, où même les quelques oiseaux qui gazouillent semblent apprécier le concert !
IF