Chroniques

par irma foletti

Giuseppe Verdi | Attila, opéra en trois actes avec prologue
Antonio Corianò, Giorgi Manoshvili, Claudio Sgura, Marta Torbidoni, etc.

Coro del Teatro Regio di Parma, Filarmonica Arturo Toscanini, Riccardo Frizza
Festival Verdi / Teatro Girolamo Magnani, Fidenza
- 3 octobre 2024
ATTILA en version de concert à Fidenza, dans la cadre du Festival Verdi de Parme
© roberto ricci

Le Festival Verdi, qui cette année se déroule du 21 septembre au 20 octobre, annonce en couverture de son programme les villes de Parme et de Busseto comme lieux de représentation, mais la manifestation, comme pour ses éditions précédentes, continue de jouer également un ouvrage lyrique au Teatro Girolamo Magnani de Fidenza, ville située à une vingtaine de kilomètres de Parme. Cette fois, le choix s’est porté sur Attila, donné à deux reprises en version de concert, après les représentations de 2018 [lire notre chronique]. C’est un privilège d’assister à une telle soirée, tant ce théâtre aux dimensions modestes offre une proximité visuelle et une acoustique d’une qualité rare [lire notre chronique du 8 octobre 2022].

La petite fosse d’orchestre héberge un nombre réduit de musiciens, les percussions et la harpe étant d’ailleurs accueillies par les loges d’avant-scène, de part et d’autre du plateau. Mais cet espace compté ne diminue en rien la qualité de la musique, qui sonne pleine et riche, bien en adéquation, en tout cas, avec le volume du lieu. Riccardo Frizza, placé aux commandes de la Filarmonica Arturo Toscanini, soutient et fait avancer du mieux qu’il peut l’action de cet opéra qui, par moments, peut donner une impression de décousu par ses divers tableaux successifs. On apprécie sa direction dynamique, au bémol près de l’accélération mise en place pour chaque finale des deuxième et troisième actes, un procédé qui semble un peu artificiel tant est flagrante la cassure avec le rythme qui précède [lire nos chroniques d’Un ballo in maschera, I Capuleti e i Montecchi, Otello, Norma, Lucia di Lammermoor à Paris puis à Venise, Aida, Falstaff, Il pirata, Semiramide, Il castello di Kenilworth, Anna Bolena, Lucrezia Borgia, L’elisir d’amore, La favorite et Il diluvio universale].

La distribution vocale comporte d’excellents éléments, à commencer par la basse Giorgi Manoshvili qui fait ses débuts dans le rôle-titre. Depuis que nous l’avons découvert au Wexford Festival, nous suivons de près ce chanteur extrêmement prometteur et cette prise de rôle est, à coup sûr, une étape importante de sa carrière. Le chant se déploie avec une très grande ampleur, d’une qualité égale sur la tessiture, quoi que plus sonore dans la partie supérieure du registre [lire nos chroniques de La tempesta, L’aube rouge, Tancredi et Bianca e Falliero ossia Il consiglio dei tre]. Sa grande scène du premier acte, Mentre gonfiarsi l'anima... Oltre quel limite, situe le chanteur dans la lignée des plus grands Attila de ces dernières années, Samuel Ramey et Ildar Abdrazakov en tête. Le jeu scénique de la basse en chef des Huns reste toutefois à développer, variant pour l’instant ses expressions du visage entre yeux plissés et yeux grand ouverts pour paraître encore plus méchant.

Entendu ici-même il y a un an en Abigaille, le soprano Marta Torbidoni impressionne une nouvelle fois en Odabella [lire notre chronique de Medea in Corinto]. Le rôle est, en effet, vocalement meurtrier, dès l’air d’entrée Santo di patria indefinito amor, aux intervalles abyssaux et aux aigus projetés avec force. Dès ce premier moment, la chanteuse montre un visage en colère, en proie à la vengeance qui s’accomplira à la toute fin de l’opéra. L’agilité est en place, les graves poitrinés sont audibles sans peine et le timbre séduit au cours des cantilènes, avec une ligne vocale sûre qui parfois allège avec goût quelques notes dans le registre aigu.

Déjà distribué en Ezio il y a quelques années, le baryton Claudio Sgura a perdu de ses beaux moyens dans l’intervalle. Toujours dotée d’une autorité certaine, la voix est tout de même sujette à l’instabilité, en raison d’un vibrato développé, le chanteur paraissant par ailleurs forcer son registre aigu qui produit des notes sensiblement décolorées [lire nos chroniques de Tosca, La Gioconda, Amleto, Samson et Dalila et de La fanciulla del West à Paris puis à Lyon]. Mais les problèmes sont malheureusement bien plus sérieux chez le ténor Antonio Corianò (qui remplace Luciano Ganci initialement prévu en Foresto) : l’intonation se révèle très approximative, surtout lorsqu’il ne chante pas en force, se retrouvant en perdition du ton juste pendant son duo avec Odabella, en fin de premier acte [lire nos chronique d’I Lombardi alla prima crociata et d’Il trovatore]. Les interprètes des rôles plus secondaires que ces quatre-là remplissent fort correctement leur office : le ténor Francesco Pittari en Uldino [lire nos chroniques de Rigoletto, Turandot et Les vêpres siciliennes] et la basse Gabriele Sagona en Leone [lire notre chronique d’I masnadieri]. Autre intervenant d’importance, le Coro del Teatro Regio di Parma, magnifiquement préparé par Martino Faggiani, est très attentif et réactif aux nuances forte-piano. Sa partie masculine est pleine de vigueur guerrière, en soldats d’Attila, et les femmes, en plus petit nombre, semblent émettre un son plus séduisant et collectif au cours des deux derniers actes.

IF