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Chroniques
Ensemble Orchestral Contemporain, Daniel Kawka
œuvres de Benjamin, Czernowin et Hackbarth
C’est peu de dire que le mélomane français connaît mal la compositrice israélienne Chaya Czernowin. Il lui faut évoquer l’hiver 2003 pour peut-être se souvenir de Winter Songs I, joué ici-même par l’Ensemble Intercontemporain… Il y a un peu plus d’une semaine, le JACK Quartet créait HIDDEN (pour quatuor à cordes et électronique) dans le cadre du festival ManiFeste, tandis que son auteure intervenait auprès des élèves d’un des ateliers de compositions de l’Académie ircamienne. Voilà qui demeure fugitif…
Créé il y a tout juste quatre ans par Recherche, Freiburg im Breisgau, Lovesong explore, comme souvent le fait Czernowin [photo], des effets de textures, mis en relief par des contrastes volontiers heurtés. Sans atteindre les saturations de Shahaf (2008) dont la guitare électrique et le saxophone s’opposent joyeusement à la tendresse d’un piano d’autrefois, cette « chanson d’amour » en octuor convoque les petits sons « périphériques » du Quatuor (1995), hérités de Lachenmann, et des tutti franchement lyriques, selon l’heureux procédé de Maim, le grand triptyque concertant de 2007 qui, à notre humble avis, est à ce jour son œuvre la plus marquante. De cet « opéra d’amour miniaturisé et mis en bouteille » (interview de la compositrice, brochure de salle), l’Ensemble Orchestral Contemporain livre une lecture à gros traits qui ne convainc guère.
Après avoir été l’élève de Chaya Czernowin et de Philippe Manoury, Ben Hackbarth fut, entre autre, chercheur à l’Ircam il y a trois saisons. Officiellement commencé lorsqu’il avait vingt-cinq ans (il en a désormais trente-deux), son catalogue a cette particularité de ne présenter que des œuvres avec électronique (sauf le Quatuor de 2007). Soucieux des oppositions de forces et des relations entre identités sonores (métaphores des relations entre êtres humains ?...), le compositeur recourt souvent à la percussion, mais plus certainement encore aux innombrables possibilités de la machine pour tisser son travail. En 2006, Hub (flûte, piano, percussion et électronique) laisse entendre une parenté mais effective avec une inspiration boulézienne, moins présente dans le Quatuor de l’année suivante. Dans Crumbling walls and wandering rocks (2009), Hackbarth jouait avec des glissandos systématiques, à la manière d’un Xenakis. Avec Am I a particle or a wave ? (percussions et électronique, 2011), c’est à l’exploration du fragmentaire qu’il s’adonnait. Nous découvrons Volleys of light and shadow, commande de l’Ircam et du Centre Pompidou donnée ce soir en création mondiale.
Rebondissant perpétuellement dans la tension de l’attaque, sur des cordes décuplées en quasi canon, une première séquence s’installe dans la tonicité, jusqu’à l’arrivée des vents (piccolo en tête), couplant les harmoniques de cordes à une extension électronique en semi-saupoudrage. Relevée par les inserts pizz’ des haut-parleurs, une assez longue stance des vents change le cap. Durant une vingtaine de minutes, des rappels varésiens (trompettes) se mêlent à de brefs échos d’attaques, façon Anthèmes II (Boulez, 1997) et, après un épisode glissando puis un « frottis » lachenmanien, se concluent dans une discrète volière en escalier (Ligeti). Indéniablement, il y a là un louable savoir-faire, mais une voie plus personnelle reste encore à définir et à tracer.
Encore faut-il préciser qu’au centre du programme, l’exécution d’At first light de George Benjamin (1982) confirme que l’EOP n’est pas aux mieux de sa forme ; sans doute n’aura-t-il guère servi l’écriture de Ben Hackbarth, malheureusement, comme en témoigne la platitude d’une interprétation qui ne rend pas hommage à l’œuvre de l’élève préféré de Messiaen. La précision de Daniel Kawka ne fait pas défaut, mais quelque chose ne fonctionne pas, cette fois ; lui seul le sait, sans doute, et y remédiera.
BB