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Chroniques
Elektra | Électre
opéra de Richard Strauss
L’Opéra d’Amsterdam rend hommage aux œuvres tirées de l’Antiquité et, en écho aux Bassarides de Henze proposés en décembre dernier, remonte sa production de l’Allemand Willy Deckerd’Elektra de Richard Strauss. Créée en 1996 et repris en 2000, le spectacle montre le haut niveau du répertoire de cette scène qui ne néglige nullement la distribution d’une reprise. Le gros atout du spectacle réside dans la conduite magistrale du directeur musical de l’institution amstellodamoise, Ingo Metzmacher. Bien entendu, le chef a suivi les conseils de l’auteur qui voulait que l’on dirige Salomé et Elektra comme du Mendelssohn. Le musicien évite tout concours de décibel, il allège les structures et fait entendre de multiples détails, essentiellement dans les lignes des vents. Dès lors, les chanteurs ne sont pas obligés de hurler et peuvent simplement chanter ; de merveilleuses nuances permettent ainsi d’entendre les moindres inflexions du texte. Cependant, Metzmacher ne perd jamais de vue la progression narrative et sa baguette, attentive au drame, laisse exploser les tensions. Sous sa battue, le Nederlands Philharmonisch Orkest est transparent comme le cristal et vif comme l’éclair.
Distribuer Elektra n’est pas aisé, tant les chanteurs doivent y conjuguer musicalité, endurance et engagement dramatique. L’Américaine Nadine Secunde est l’une des principales titulaires actuelles du rôle-titre. Certes, la voix n’est plus aussi éclatante, mais la chanteuse témoigne d’une grande maîtrise du rôle et d’une réelle présence scénique. Elle commence son monologue d’Agamemnon plutôt sur la réserve, avant de se libérer au fil de la représentation. Le mezzo britannique Felicity Palmer n’a certainement aucune rivale dans l’interprétation de Clytemnestre. En dépit d’un timbre qui ne masque pas le poids des ans, l’artiste vit littéralement le personnage, composant un portrait saisissant et angoissant de la mère d’Elektra. Le soprano Gabriele Fontana, dont c’était la prise de rôle (Chrysothemis), fait forte impression : le timbre éclatant est séduisant et l’agilité vocale s’avère magnifique. Le baryton Gerd Grochowski s’avère un Oreste exceptionnel dont le timbre souverain et la noblesse du chant font merveille. Il faut noter les très bonnes prestations des servantes – Iris Giel, Hiroko Mogaki, Janice Cairns, Claire Powell, Rebecca de Pont Davies, Margiet van Reisen, Ellen van Haaren, Abbie Furmansky – et des petits rôles masculins – Donald Kaasch, Franz Mazura, Doug Jones, Jan Alofs.
La mise en scène prend le parti de l’actualisation intemporelle. Dans un imposant décor unique d’escaliers gris aux significations temporelles multiples – création de Wolfgang Dussman –, les costumes et accessoires évoluent entre hommages à l’Antiquité dans les coiffures des servantes et allusions à l’époque industrielle avec les costumes des hommes. Willy Decker se limite à éclairer les passions et les haines entre les personnages, tout visant à la simplicité et à l’efficacité des gestes. Certaines scènes, comme l’identification entre Elektra et Oreste et la scène finale, sont de très grandes réussites.
En conclusion, ce fort beau spectacle illustre le haut niveau des productions de la maison néerlandaise et confirme l’excellence de son directeur musical qui, au fil des représentations, s’impose comme l’une des baguettes les plus charismatiques du moment.
PJT