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Chroniques
Donaueschinger Musiktage 2019 – épisode 4
créations de Johannes Boris Borowski, Beat Furrer et Nina Šenk
La troisième et dernière journée du festival, dans la petite cité de Forêt Noire, commence dès 11 heures du matin avec ce concert de l’Ensemble Intercontemporain (EIC), placé sous la direction de son chef titulaire, Matthias Pintscher. Commandé par la Südwestrundfunk et la formation parisienne fondée en 1976 par Pierre Boulez – conjointement au projet IRCAM initialisé par le grand compositeur et chef d’orchestre français dès 1969 dont le bâtiment ouvrit ses portes en 1977 –, T. E. R. R. A est la nouvelle œuvre de la compositrice slovène Nina Šenk (née en 1982) [lire notre chronique du 23 septembre 2014], dont nous entendons ici, en création mondiale, la version pour ensemble, tandis que le festival Musiques démesurées de Clermont-Ferrand présentera le 1er novembre la première de la version pour flûte, violoncelle et harpe, par le Trio Salzedo [lire notre chronique du 1er octobre 2019]. Il s’agit d’une pièce assez brève (environ treize minutes) qui ne disperse pas ces moyens. Attachée aux quatre éléments dont elle explore les confrontations dans une écriture très contrastée, elle apparaît comme une espèce de Tondichtung à la manière d’aujourd’hui, que servent plus qu’honorablement les solistes de l’EIC.
Après l’exécution de Rumorarium de Pierre-Yves Macé (né en 1980) qui ne m’a pas du tout convaincu, vraisemblablement parce que je n’en ai pas vraiment compris le projet esthétique [lire nos chroniques du 26 octobre 2018 et du 5 décembre 2016], nous découvrons le premier mouvement du Concerto pour clarinette de Beat Furrer (né en 1954), interprété par l’excellent Martin Adámek, le musicien suisse n’ayant pas terminé l’intégralité de l’œuvre. Plutôt qu’une création mondiale, il s’agit donc d’une avant-première, en attendant la suite. Le babil incessant de l’instrument soliste, dans une écriture des plus virtuoses, paraît d’abord en sommeil sous une partie d’ensemble plus ou moins dense. Puis la volubilité se libère comme facteur plus déterminant qui emmène les autres vers le haut avec un souffle inépuisable. La tension, extrême, est à son comble trente secondes avant la fin – note prolongée fortissimo.
Ce concert d’une heure est conclu par Allein pour ensemble et électronique du Bavarois Johannes Boris Borowski (né en 1979), également commandé par les instances énoncées plus haut, tout comme la pièce de Furrer. Le trentenaire nord-américain John Stulz est altiste, directeur artistique d’un festival de création dans l’Ohio et compositeur. Il a rejoint l’EIC à l’automne 2015. C’est lui qui ouvre Allein, seul donc, comme le suggère le titre, en répétant un intervalle de sixième avec une réplique diminuée. Ses partenaires ponctuent ensuite la légère distorsion du motif qui va peu à peu s’engager partout, par imitation, d’abord les cordes puis les vents, tandis que deux cors font les héros sur les côtés – une cellule plusieurs répétées, elle aussi. À mi-chemin de la pièce, après un court silence, l’alto soliste lance une autre section qui appelle percussions et piano. Après une clé de voûte assez spectaculaire, l’exploitation de l’intervalle et son écho diminué se disloque dans l’échange syncopée, dansant, des clarinettes et de la batterie. Une puissante explosion de cristal constitue l’acmé du morceau, une minute avant la fin, retour de la sixième à l’alto, molle, cette fois, impossible. Cette très belle œuvre fait mentir ceux qui se plurent à voir dans Borowski un continuateur de Boulez : il n’en est rien, le compositeur va son chemin, personnel et fécond [lire nos chroniques de Change et de Klaviertrio, ainsi que notre critique du CD monographique Wergo].
AO