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Chroniques
Donaueschinger Musiktage 2018 – épisode 2
Ensemble Mosaik, Experimentalstudio des SWR
Dans une édition tournée vers les machines et la composition musicale, rien de plus logique que de rendre hommage au fameux Freiburger Experimentalstudio des SWR, à travers trois œuvres, toutes commandées par le Südwestrundfunk, données cet après-midi en création mondiale. Pour commencer, Sky Dice / Mapping the studio de Marcus Schmickler, conçu pour ordinateur et synthétiseur ARP. L’artiste allemand, né en 1968, a grandit dans l’admiration du travail électronique de Stockhausen. Membre du MIMEO (Music in Movement Electronic Orchestra), il s’est illustré, à partir des années quatre-vingt-dix, dans de nombreux collectifs de la scène post-rock. Avec cette nouvelle pièce, il s’inscrit dans un élan retrouvé de la légendaire fabrique à sons de synthèse, désormais investie par le numérique, même si la désuétude des équipements électroniques du passé est le principal stimulant de ce type de création, de l’aveux même de ses acteurs dont la démarche pourra paraître nostalgique.
Né en 1975 en Bavière, Florian Hecker est musicien mais aussi psycholinguiste, auteur de nombreux œuvres, ouvrages théoriques (principalement sur le développement des machines à musique et son implication dans la modernité d’après la guerre) et installations diverses. Présent dans presque tous les grands festivals contemporains et les expositions d’art plastique à la pointe du conceptuel, Hecker est une personnalité reconnue et respectée dans la sphère électro. Nous découvrons Synopsis as texture pour vocoder numérique et banque de filtres, avec lequel il se glisse dans le son historique de l’Experimentalstudio des SWR dont il tente de dramatiser l’espace à sa façon.
Depuis sa naissance en 1997, l’ensemble Mosaik travaille en étroite collaboration avec les créateurs qui intègrent le numériques à leurs propositions. Ses concerts sont volontiers envisagés en tant que performances avec une importante part visuelle. Poursuivant sa collaboration avec Enno Poppe (né en 1969) qui l’a dirigé à partir de 1998, Mosaik, virtuose dans le maniement de l’électronique, donne aujourd’hui Rundfunk pour neuf synthétiseurs, un opus commandé par le Südwestrundfunk, la Philharmonie de Luxembourg et les importants rendez-vous que sont l’Huddersfield Contemporary Music Festival, Wien Modern, Musica Viva et le Festival d’Automne à Paris qui en présentera dans un mois la première française (le 26 novembre, au Théâtre des Bouffes du nord). Rundfunk est lui aussi totalement nostalgique, puisqu’il s’appuie sur une reconstitution du son électronique des années soixante, dans le but de rendre hommage aux découvreurs dans ce domaine que furent John Chowning (né en 1934), Wendy Carlos (née en 1939), Gottfried Michael Koenig (né en 1926) et le groupe Tangerine Dream (fondé en 1967), de même que le titre salue la condition sine qua none qu’a été la radio en ce qui concerne l’invention de la musique électronique et sa diffusion – la situation particulière de l’Allemagne, avec ses nombreuses radios régionales et l’obligation de commandes, comme c’est précisément le cas de la SWR associée aux Donaueschinger Musiktage, entre peut-être en résonnance.
Si, avec ses cinquante-quatre minutes, Rundfunk de Poppe [lire nos chroniques de Fell, Buch, Salz, Speicher, Markt, Zug et Knochen] dépasse largement les limites du supportable, au moins les fréquences et le réglage favorisés sont maîtrisés, à l’inverse des pièces d’Hecker et de Schmickler qui agressent violemment les tympans… sauf à s’adresser à des sourds, peut-être !
HK