Chroniques

par hervé könig

Die Zauberflöte | La flûte enchantée
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart

Garsington Opera
- 11 juillet 2018
Une nouvelle "Flûte enchantée" (Mozart) à Garsington, signée Netia Jones...
© johan persson

L’été continue ! Ce mercredi, retour à Garsington Opera – où nous applaudissions dernièrement Capriccio (Strauss) et Falstaff (Verdi) [lire nos chroniques des 28 et 29 juin 2018] –, pour un plus que classique du répertoire, s’agissant de La flûte enchantée. À la tête de l’orchestre du festival, nous entendons Christian Curnyn qui, en serviteur fidèle de la musique baroque, révèle des finesses souvent laissées pour compte dans les interprétations mozartiennes. La vivacité de son approche ne déconsidère pas les premiers pas du Salzbourgeois, intégrant à sa maîtrise des dernières années, à Vienne, sa connaissance et son assimilation des styles obligés qu’il connut dans l’enfance et les voyages. La pertinence de cette approche renouvelle favorablement l’écoute qu’elle sait flatter avec des sonorités gracieuses et parfois printanières.

Du coup, les chanteurs ne s’expriment pas d’une manière conventionnelle, ce qui est assez réjouissant. Loin de s’en tenir à une Pamina oie blanche, Louise Alder s’attache à prêter un tempérament inattendu à cette héroïne qui, ne l’oublions pas, est tout de même la fille de la Reine de la nuit – quand on voit la colère rageuse de l’aînée, on peut supposer une parenté d’humeur, au moins. C’est vraiment beaucoup plus intéressant que tout ce qu’on a pu voir dans ce rôle. Le chant est en totale adéquation avec cette conception : puissant, généreux, épicé [lire notre chronique du 26 janvier 2017]. Quant à lui, Benjamin Hulett donne un Tamino très proche du texte, héroïque et noble, plus sérieux que de coutume. Il rayonne d’une force brillante. Méconnaissable en comparaison de son Pelléas de l’été dernier, ici-même [lire notre chronique du 1er juillet 2017], Jonathan McGovern, baryton velouté et charismatique, est un Papageno attachant, émouvant – peut-être le plus musical qu’on ait entendu. On retrouve aussi la basse puissante de James Creswell, souvent présente dans les productions wagnériennes : il campe un Sarastro sculptural, à la fois bienveillant et un peu effrayant [lire nos chroniques du 21 février 2015, des 28 et 29 juin 2016, du 1er octobre 2017 et du 12 avril 2018]. Bien que disposant d’un colorature à l’agilité parfaite et d’une émission très précise, Sen Guo, techniquement admirable, ne convainc pas en Reine de la nuit. Tout est là, sauf la colère et le feu. Katherine Crompton, Marta Fontanals-Simmons et Katie Stevenson font Trois Dames très en voix dans des ensembles élégants. Ténor de caractère, Adrian Thompson s’impose en Monstatos lascif [lire nos chroniques du 27 septembre 2013 et du 29 mai 2010]. N’oublions pas la Papagena pétillante de Lara Marie Müller, plutôt gracieuse.

La nouvelle mise en scène de Netia Jones paraît, de prime abord, prendre possession avec intelligence des symboles et des rituels francs-maçons. Commanditaire de l’œuvre, directeur du Theater an der Wien qu’il tentait, avec elle, de sauver de la faillite, et aussi créateur du rôle de Papageno à la première de 1791, Schikaneder (1751-1812) faisait partie de la Grande Loge de Vienne où Mozart fut accueilli en 1784, ce qui ne l’empêcha pas de piller les droits du musicien pour s’enrichir sur son génie, contrairement à la bonne morale prônée par ses frères. Sur la façade du manoir sont tracés des éléments géométriques qui font clairement référence aux Lumières maçonniques. Un curé sanglant accompagne toujours la Reine de la nuit tout en noir qui ressemble vraiment à un redoutable oiseau de proie : cet équipage endosse le rôle du catholicisme obscur et rétrograde qui frappa d’excommunication la congrégation laïque. Pour finir, Netia Jones considère que le Singspiel ne peut que montrer la victoire des Lumières sur ces forces du passé. C’est une option qui se tient mais qui réduit l’ouvrage à une seule grille de sens, quand nous aimons à croire qu’il englobe des considérations philosophiques beaucoup plus larges. Au moins, c’est joliment réalisé.

HK