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Chroniques
Dido and Æneas | Didon et Énée
opéra d’Henry Purcell
Après Besançon et avant l’Athénée (Paris), c’est à l’Opéra Royal que séjournait, le temps de trois représentations, cette nouvelle production de Dido and Æneas. Après que Sébastien d’Hérin ait expliqué à l’assistance qu’à l’heure actuelle nous n’étions plus en possession de la totalité de la musique de Purcell pour cette tragédie, et qu’il palliait à l’absence d’un Prologue par l’emprunt à d’autres de ces pages – Suite d’Abdelazer, Music for a while –, la représentation commence. Plus précisément : ses Nouveaux Caractères se lancent dans une lecture plus qu'approximative, sur des instruments mal accordés, malmenant généreusement la partition autant que l’oreille.
Après ce Prologue joué rideau fermé, l’orchestre prend de longues minutes pour s’accorder enfin – sage décision. Et voilà que commence le spectacle de Bernard Lévy. Plus justement : devant un écran vidéo la vague déambulation d’artistes lyriques livrés à eux-mêmes sans direction d’acteurs aucune, en bons faire-valoir d’un travail vidéastique d’une confondante indigence. Fallait-il vraiment faire ainsi joujou avec les entrelacs graphiques des surtitres alors mis en scène – eux, quelle chance ont-ils ! –, sans portée sémantique ? Vous chercheriez en vain, par exemple, du sens à l’éloignement en vaguelettes d’une strophe animée qu’on mire comme un bateau quittant le port : c’est juste joli. Comme quoi, mal utilisée, la technologie peut elle aussi se faire encombrante bibeloterie.
Heureusement, il y a deux voix qui se trouvent être celles des deux rôles principaux. Car dès l’entrée en scène d’Isabelle Druet, quelque chose se passe. Avec un sûr instinct de femme de théâtre, le mezzo s’engage de suite au service de Didon. La voix est richement colorée, l’expressivité au rendez-vous, la présence indéniable. Lui répond bientôt l’Énée fermement timbré d’Arnaud Guillou, possédant de grands moyens dont il use avec choix, dans une conduite soignée de la nuance.
Après les ternes gloussements de sorcières javellisées (nettement moins drôles que la chanson de Dubas), voire le mièvre hédonisme en conserve d’un pique-nique années cinquante où, pantois, l’on admire l’atterrissage puis le décollage d’un gros arbre dans l’aura désastreuse d’un faux ours tartinant le gramophone de mamie, saisissante est la juste colère de la Carthaginoise. De fait, tout commence presque d’aller à partir de là : l’orchestre paraît même se reprendre – et ce n’est pas peu dire tant brouillonne s’avérait jusqu’alors une mise en place dépourvue de dessin comme d’expressivité –, le ton prend, pour ainsi dire, jusqu’à une fin évidente.
BB