• da camera

L’Orchestre national de Lyon se lance dans un programme viennois, invitant en première partie de ce concert le Quatuor Auryn pour la Suite Lyrique qu’Alban Berg écrivit en 1926 en chiffrant son langage comme une adresse à un amour illégitime – comme l’explicite Esteban Buch dans son livre Histoire d’un secret (Actes Sud).

Après avoir suivi à Cologne l’enseignement du Quatuor Amadeus et les conseils du Guarneri ensuite, le Quatuor Auryn, remarqué lors de concours internationaux, connut rapidement une carrière internationale qui, en une vingtaine d’années, le fit entendre principalement aux USA (il est d’ailleurs en résidence à Washington) et au Canada, ainsi que dans les grands festivals européens (Salzbourg, Lucerne, Bregenz, etc.).

Dès le premier mouvement, sa lecture de la Suite Lyrique de Berg se révèle très articulée. La structure est mise en avant. On remarque des attaques plutôt violentes, parfois presque criées, qui développent passionnément les motivations intimes de cette œuvre. L’Andante amoroso est joué dans retenue pudique, utilisant les traits détachés (mesures 4, 43-46, ou encore 148-150, par exemple) comme on le fait pour Schubert. Le thème central est peut-être trop lourdement exposé, si bien qu’on en perd presque le caractère. Quelques soucis de justesse de la part du second violon écartent l’oreille de considérations purement interprétatives. Notons un parfait équilibre, un discours commun, où personne ne prend le devant de la scène. Les pizzicati sont d’une précision rare, et bien amené le jeu de voyage des attaques sur la fin.

Du troisième mouvement l’on apprécie la sonorité ronde du violoncelle d’Andreas Arndt, à laquelle vient répondre l’aigreur dramatique de l’alto. Le piano est énigmatiquement entretenu, légèrement « frotté », et rappelle les scènes de meurtres de Wozzeck et Lulu. Le Trio central gagnerait sans doute à ce qu’on le contraste plus. La fin de cette partie s’effectue dans une extrême délicatesse. On retrouve des problèmes de justesse dans l’Adagio appassionato, à l’alto cette fois. Cette page qui n’a rien d’aisé expressivement parlant, quoique très indiquée par l’auteur, n’est guère servie par une lecture maladroite et plate. L’impression demeure que les musiciens ne la dominent pas. Le solo des mesures 45-50 demeure trop approximatif. Ces imprécisions, tant de diapason que de choix expressifs, perdurent sur le cinquième mouvement, tout juste vaguement mélancolique. De même le Largo desolato reste-t-il fort timoré, sans relief.

Cette suite pour quatuor se dit Lyrique, outre qu’il s’agit bien d’une musique héritière (dans sa sonorité, même si la structure s’en éloigne) du romantisme encore proche, comme l’a justement souligné Webern lui-même qu’on aurait pu croire pourtant le plus sec des viennois d’alors. L’interprétation d’aujourd’hui accuse un son post-Darmstadt parfois trop dur, dans lequel l’œuvre s’appauvrit.

BB