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Chroniques
Andreï Korobeïnikov au piano
Orchestre national de Lyon dirigé par Leonard Slatkin
« Enfin ! » : c’est le cri de ralliement qui a uni, un vendredi soir d’automne, les musiciens de l’Orchestre national de Lyon et les mélomanes de la cité, les premiers se produisant à nouveau dans le cadre de « leur » salle après plusieurs mois d’absence, les second venant les y écouter. Des retrouvailles bienvenues, scellées de surcroît par un concert mémorable qui restera sans doute longtemps dans les annales culturelles de la cité.
Portant toujours officiellement son titre ravélien, décerné par la ville, comme l’on a souvent tendance à l’oublier – communication, quand tu nous tiens ! – l’Auditorium Maurice Ravel méritait bien quelques travaux. Construit au début des années 1970, dans la « furia bétonnière » que Louis Pradel, le maire de l’époque, et ses séides faisaient alors régner sur Lyon, à une époque où le terme « économie d’énergie » n’existait quasiment pas et où le mot « ventilation » n’annonçait pas encore celui de « climatisation », le bâtiment, élevé par les architectes Charles Delfante et Henri Pottier, demandait expressément une (nouvelle) tranche de travaux ne visant pas directement la salle de deux mille places, déjà traitée, mais les dégagements, les halls d’accueil et de convivialité, les circuits de fluides, les sanitaires et surtout – cerise sur le gâteau ! – l’orgue maison : celui, historique autant que parisien, de Chaillot, transporté à la Part-Dieu à la fin du siècle dernier.
Il fallut s’y résoudre et pendant plusieurs mois l’ONL répéta et joua dans les locaux peu adaptés de la Bourse du Travail dont l’acoustique n’est guère valorisante et ne saurait satisfaire le public. Artistes et auditeurs ont cependant tenu le coup, le calendrier des travaux a même tenu les délais, de sorte que tout le monde se retrouve désormais dans les murs un rien ravivés de l’Auditorium, en compagnie de Tchaïkovski, assez singulièrement choisi comme compositeur invité de cette « rentrée » par Leonard Slatkin, directeur musical de la phalange lyonnaise.
N’empêche, la rayonnante Marche slave en si bémol majeur Op.31 ouvre superbement le ban. Dès les premières mesures, le Moderato in modo di marcia funebre donne le la (si l’on ose dire). Générosité bien maîtrisée d’une direction attentive et soignée, travail fusionnel, motivé, complice même, tous pupitres confondus, sont au programme de la soirée. Autant de qualités qui rayonneront dans la pièce suivante, le célébrissime Concerto pour piano en si bémol mineur Op.23 n°1 pour l’exécution duquel un soliste de choix rejoint l’équipe : Andreï Korobeïnikov. La musicalité constante du jeu, la justesse des attaques, vigoureuses mais refusant le coup d’éclat gratuit – si présent chez certains confrères ! – en particulier dans le très développé Allegro con fuoco final, le chant habilement mené dans l’Andantino semplice, sont une séduction permanente pour l’oreille.
Quant au niveau de l’orchestre aujourd’hui, toujours aussi bien « drivé »par le maestro nord-américain, il habite chaque mouvement de la Symphonie en mi mineur Op.64 n°5 de 1888, tant dans les parties « communes », merveilleusement fusionnelles, que dans les passages solistes où le chant du cor le dispute à celui du violoncelle. On l’aura compris : un vrai moment de bonheur.
GC