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Chroniques
Académie européenne baroque d’Ambronay
Sigiswald Kuijken dirige la Messe en si mineur BWV 232 de Bach
Des premières soirées musicales timidement programmées en 1980 à Ambronay est né un festival rapidement fréquenté avec bonheur par tous les artistes et formations spécialisés dans la musique baroque. Mais ce développement spectaculaire ne suffisait pas à réaliser le grand projet d’Alain Brunet : dépasser le stade de la programmation pour atteindre celui de la production de concerts et de spectacles, créer un centre de rencontre de chercheurs en sciences humaines sur le thème fondamental des rapports entre la musique et le sacré. Et surtout, aborder la formation, en faisant une large place à la pédagogie en direction des enfants, des jeunes publics et des futurs professionnels.
Dans cette perspective ont rapidement été invités de jeunes solistes et ensembles. Pour amplifier cette vocation pédagogique, Alain Brunet créait dès 1993 une Académie européenne baroque comme il n’en existait pas en France, du moins sous cette forme, afin d’aider les musiciens en fin d’études supérieures et en début de carrière à parfaire leur formation professionnelle. Chaque année, de nouveaux participants sont recrutés dans les plus grands conservatoires d’Europe pour venir travailler en une longue session sous la direction d’un chef spécialisé du plus grand renom.
Ainsi la première Académie fut-elle dirigée par Jordi Savall. Se sont succédés, selon le répertoire étudié, William Christie – l’un des « piliers » de l’Académie et du festival –, Christophe Coin, Christophe Rousset, Ton Koopman, Gabriel Garrido, Rinaldo Alessandrini, Paul McCreesh, Hervé Niquet, Jean Tubéry, Serge Saitta et Martin Gester. C’est assez dire à quel niveau se situe son exigence de qualité.
Cette année 2011, la dix-huitième Académie bénéficiait d’un partenariat privilégié avec le Collegio Ghislieri de Pavie [photo], institution fondée en 1567 par le pape Pie V Ghislieri, dès le début de son pontificat. Lieu de travail et de recherche pour les étudiants les plus méritants admis sur concours, thébaïde hébergée dans un admirable édifice, c’est une sorte de Villa Médicis ouverte aux diverses disciplines universitaires. C’est donc là que les jeunes musiciens venus de toute l’Europe, de Barcelone à Varsovie, ont pu, près de deux semaines durant, préparer la Messe en si mineur BWV 232 de Bach sous l’autorité de Sigiswald Kuijken, assurant la direction d’ensemble et le travail des instruments à cordes, secondé par Barthold Kuijken pour les bois, Jean-François Madeuf pour les cuivres naturels et Christoph Genz pour les voix.
Pour avoir assisté à plusieurs séances de travail au Collegio, je puis témoigner de l’exceptionnelle ambiance de concentration qui régnait dans le travail collectif. Les jeunes musiciens étaient pourtant soumis à rude épreuve : nombreuses et intensives sessions jusque tard dans la soirée, impliquant une vigilance permanente et parfois la remise en cause de modes de jeu traditionnels. C’est ainsi que Sigiswald Kuijken demandait aux deux violoncellistes de tenir l’instrument et l’archet à l’ancienne, ce qui modifie à l’évidence l’articulation. Ou à l’altiste de jouer de la viola da spalla. Aux chanteurs solistes, selon son option d’un exécutant par partie, une écoute réciproque des phrasés et des intonations, des couleurs, qui s’apparenterait au travail d’un quatuor à cordes, en vue d’une traduction transparente et hautement expressive de la polyphonie. Que l’on approuve ou non l’option solistique du chef, les résultats obtenus au fil des heures sont passionnants et montrent à quel point un tel travail peut être profitable à tous.
Après un premier concert sur le lieu même du travail, à Pavie, la tournée européenne de l’Académie interprétant la Messe en si s’est évidemment rendue à l’Abbaye d’Ambronay, en passant par Monza et Brescia, avant de visiter Pise, Toulouse, Anvers, Lisbonne, Vichy et Avignon, avec une escale à Paris, le 10 octobre. Onze concerts publics en différents lieux, excellent complément de formation vers l’intégration professionnelle. Et parfaite réussite d’une mission exemplaire.
GC